Татевскій сборникъ С. А. Рачинскаго. СПб, 1899
ПИСЬМО ФЕЛИКСА МЕНДЕЛЬСОНА-БАРТОЛЬДИ КЪ А. Ѳ. ЛЬВОВУ.
правитьMon cher monsieur Lwoff! Permettez moi de vous renouveler par écrit les rémerciments que je vous ai adressés ce matin, de vous exprimer de nouveau le vrai et grand plaisir, la jouissance que j’ai éprouvée en entendant votre nouveau concerto. C’est un morceau digne sous tous les rapports d’un aussi grand artiste que vous l'êtes à mes yeux, composition remplie de sentiment et de passion, et qui ne manquera jamais d’exciter l’enthousiasme général qu’elle vient de produire ce matin. J’en admire les idées fraîches et imbues de vos belles mélodies nationales, non moins que l’instrumentation pleine d’effet et en même temps modeste, et le parti que vous avez su tirer de l’accompagnement sans en couvrir le violon, surtout dans votre adagio, dont je me souviendrai toujours avec délices. La seule chose que j’aurais à désirer dans ce morceau si charmant serait une terminaison complète avant d’entrer dans le tutti qui suit. Je crois qu’une mesure de plus, consistant seulement de l’accord de fa pianissimo, tenu peut-être par tous les instruments avec les timbales (et suivi d’une longue fermate après laquelle la flûte pourrait commencer le tutti), servirait à mieux faire sentir la conclusion de l’adagio. Et peut-être ce tutti gagnerait-il en conduisant de suite à la marche triomphale sans fermate, et avec un crescendo plus long de quelques mesures: si je vous ai dit ce matin que je désirais une seconde variation, c'était peut-être seulement pour avoir plus longtemps la jouissance de vous entendre; mais comme je suis persuadé qu'à cet égard tout le monde sera de mon avis, je ne puis en démordre, et je reviens vous demander une variation de plus, en avant ou après celle avec les trompettes en triolets.
Excusez, cher monsieur Lwoff, toutes ces petites critiques, bien mesquines et qu’on ne remarquerait qu'à peine dans un ouvrage si rempli de beautés; mais vous m’en avez donné la permission, et comme preuve de ma sincérité, je me suis fait un devoir de ne pas vous les taire. Vous en croirez plus facilement les assurances de l’admiration la plus complète que je conserverai toujours et toute ma vie pour votre superbe talent, et les remerciments réitérés que je vous adresse pour les heures de jouissance et d’enthousiasme que nous avons passées pendant votre trop court séjour à Leipzig.
Conservez-moi un bon souvenir, comme je suis et serai toujours de cœur votre dévoué Felix Mendelsohn Bartholdy.
Leipzig. 8 novembre 1840.