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Vous dites dans votre lettre que vous n’êtes pas chrétien, mais vous ne pouvez pas ne pas Г être, parce que votre action ne pouvait avoir d’autre source que l’esprit chrétion, qui consiste à poser comme but de son existence non pas le bien de sa personnalité, mais la vérité et le bien-être général, autrement dit l’accomplissement de la volonté de Dieu et l’établissement de son royaume sur la terre.

Ce qui m’a plu dans votre lettre c’est que vous ayez surtout relevé la stupidité, la cruauté et la lâcheté de se faire meurtriers par commande. Je comprends, que pour un homme, qui n’a jamais pensé à ce qu’il fait en s’engageant comme soldat et en promettant d’obéir au premier venu qui sera son chef et de tuer tous ceux, qu’il lui ordonnera de tuer, l’état de soldat ne paraisse pas criminel; mais je n’ai jamais pu comprendre qu’un homme, qui une fois a compris toute la portée de ce qu’il fait en promettant d’obéir, même et surtout pour le meurtre, à ses chefs, puisse consentir à etre soldat.

Pour qu’un homme civilisé au temps, où nous vivons, refuse le service militaire, il ne faut qu’être honnête, non seulement honnête, mais ne pas être lâche, avouant hautement qu’il n’y a pour lui rien de saint, ni rien audessus de sa tranquillité et de son bien-être personnel.2

Que Dieu, le Dieu qui est au fond de votre conscience et celui, qui vous a poussé à votre action, vous soutienne dans les épreuves qui vous attendent.

Si savoir, qu’il y a des gens, qui admirent votre action et vous, aiment, peut vous donner quelque contentement, sachez, que tous, nos amis, auxquels j’ai en partie communiqué et communiquerai encore votre lettre, sont et seront avec vous de coeur et d’âme.

Sans parler de ce qui se fait hors de la Russie, il y a en ce moment chez nous plusieurs individus de différentes classes, paysan ts, mai très d’école, étudiants, qui ont réfusé le service militaire et supportent avec fermeté les suites de leur action.

La lutte s’engage sur tous les points, et votre refus motivé avec tant de sincérité, de raison et de conviction de votre point de vue tout-à-fait indépendant, a, à mon avis, une grande portée.

Comme je voudrais que votre lettre fut livrée, autant que-possible, à la publicité, veuillez me dire, si vous n’avez rien contre.

Je vous embrasse.
Votre ami
Léon Tolstoy.

4 Septembre 1896.

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