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en tête de prouver l’utilité de son travail. Il produit; son produit est nécessaire et un bien pour les autres. On en profite et personne ne doute de son utilité. Et encore moins, personne ne la prouve.

Les ouvriers des arts et des sciences sont dans les mêmes conditions. Comment se trouve-t-il qu’il y ait des gens qui s’efforcent de tout leur pouvoir de prouver leur utilité?

La raison est que les véritables ouvriers des sciences et des arts ne s’arrogent aucuns droits; ils donnent les produits de leur travail; ces produits sont utiles, et ils n’ont aucun besoin de droits et de preuves à leurs droits. Mais la grande majorité de ceux qui se disent savants et artistes savent fort bien que ce qu’ils produisent ne vaut pas ce qu’ils consomment, et ce n’est qu’à cause de cela qu’ils se donnent tant de peines, comme les prêtres de tous les temps, de prouver que leur activité est indispensable au bien de l’humanité.

La science véritable et l’art véritable ont toujours existé et existeront toujours comme tous les autres modes de l’activité humaine, et il est impossible et inutile de les contester ou de les prouver.

Le faux rôle que jouent dans notre société les sciences et les arts provient de ce que les gens soi-disant civilisés, ayant à leur tête les savants et les artistes, sont une caste privilégiée comme les prêtres. Et cette caste a tous les défauts de toutes les castes. Elle a le défaut de dégrader et de rabaisser le principe en vertu duquel elle s’organise. Au lieu d’une vraie religion — une fausse. Au lieu d’une vraie science — une fausse. De même pour l’art. Elle a le défaut de peser sur les masses, et, pardessus cela, de les priver de ce qu’on prétend propager. Et le plus grand défaut, celui de la contradiction constante du principe qu’ils professent avec leur manière d’agir.

En exceptant ceux qui soutiennent le principe inepte de la science pour la science et de l’art pour l’art, les partisans de la civilisation sont obligés d’affirmer que la science et l’art sont un grand bien pour l’humanité.

En quoi consiste ce bien? Quels sont les signes par lesquels on puisse distinguer le bien du mal? Les partisans de la science et de l’art ont gardé de répondre à ces questions. Ils prétendent même que la définition du bien et du beau est impossible. «Le bien en général, disent-ils, le bien, le beau, ne peut être défini».

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