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Cette formule, qui donne à notre existence un sens raisonnable, et le bonheur qui s’en suit, résout en même temps toutes lés difficultés, de même que celle qui se pose devant vous: la part qui doit être faite à l’activité intellectuelle — la science, l’art?

Suivant ce principe, je ne suis heureux et content que quand, en agissant, j’ai la ferme conviction d’être utile aux autres. (Le contentement de ceux pour lesquels j’agis est un extra, un surcroît de bonheur sur lequel je ne compte pas, et qui ne peut influer sur le choix de mes actions.) Ma ferme conviction que ce que je fais n’est ni une chose inutile, ni un mal, mais un bien pour les autres, est à cause de cela la condition principale de mon bonheur.

Et c’est cela qui pousse involontairement un homme moral et sincère à préférer aux travaux scientitiques et artistiques le travail manuel: l’ouvrage que j’écris, pour lequel j’ai besoin du travail des imprimeurs; la symphonie que je compose, pour laquelle j’ai besoin des musiciens; les expériences que je fais, pour lesquels j’ai besoin du travail de ceux qui font les instruments de nos laboratoires; le tableau que je peins pour lequel j’ai besoin de ceux qui font les couleurs et la toile; — tous ces travaux peuvent être des choses très utiles aux autres, mais [ils] peuvent être aussi (comme ils le sont pour la plupart) des choses complètement inutiles et même nuisibles. Et voilà que pendant que je fais toutes ces choses dont l’utilité est fort douteuse, et pour produire lesquelles je dois encore faire travailler les autres, j’ai devant et autour de moi des choses à faire sans fin, et qui toutes sont indubitablement utiles aux autres, et pour produire lesquelles je n’ai besoin de personne: un fardeau à porter, pour celui qui est fatigué; un champ à labourer pour son propriétaire qui est malade; une blessure à panser; mais sans parler de ces milliers de choses à faire qui nous entourent, qui n’ont besoin de l’aide de personne, qui produisent un contentement immédiat dans ceux pour le bien desquels vous les faites: — planter un arbre, élever un veau, nettoyer un puits — sont des actions indubitablement utiles aux autres, et qui ne peuvent ne pas être préférées par un homme sincère aux occupations douteuses qui, dans notre monde, sont prêchées comme la vocation la plus haute et la plus noble de l’homme.

La vocation d’un prophète est une vocation haute et noble. Mais nous savons ce que sont les prêtres qui se croient prophètes,

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